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Christophe Vanswieten

Si les murs de l’Hôtel Sablon avaient eu la parole, nous leur aurions volontiers posé quelques questions. En effet, l’ancien Hôtel du Grand Sablon peut s’enorgueillir d’une histoire qui remonte à 1589. Cependant en trois mois, le doyen des hôtels de la ville a subi un complet et spectaculaire relooking, puisqu’il ne ressemble plus en rien à ce qu’il était auparavant. Le nouveau propriétaire, Christophe Vanswieten a voulu déployer un concept spectaculairement innovant et il y est parvenu. Tout enthousiaste, il nous fait part de ce que son hôtel a d’unique et d’ambitieux. Le plus ancien hôtel de Bruges s’est métamorphosé en l’hôtel le plus branché de la ville.

Pour Christophe Vanswieten, c’est une vraie fierté d’avoir réalisé son hôtel quatre étoiles en coopération avec son équipe en un si court laps de temps. Tout content, il nous fait voir quelques chambres et les espaces publics de l’Hôtel Sablon. L’on notera la cour intérieure et le lobby qu’il nomme le Living Room. Si l’hôtel est luxueux, il n’a rien de guindé ni de ringard et l’atmosphère ‘feel good’ est omniprésente. Christophe Vanswieten est un homme de grand renom dans l’hôtellerie. Pendant quarante ans, il a occupé diverses fonctions importantes, dont durant les trois dernières décennies celle de dirigeant dans la chaîne hôtelière Accor. Quel chemin avez-vous parcouru avant d’aboutir, en tant que propriétaire dans un hôtel boutique indépendant et de petite dimension ? 

Hotel Business (HB): Monsieur Vanswieten: vous êtes à présent le propriétaire de l’Hôtel Sablon, un hôtel quatre étoiles indépendant et de petite taille. Comment avez-vous envisagé de faire ce pas ? Comment un dirigeant ayant travaillé pendant quarante ans dans de grandes chaînes hôtelières devient-il soudainement propriétaire d’un hôtel? 
Christophe Vanswieten (CVS): “Il est vrai que j’ai travaillé pendant quarante ans dans de grandes chaînes hôtelières, dont 31 ans chez Accor. Dans cette dernière, j’ai gravi les échelons pour accéder à la fonction de Director of Operations de plusieurs enseignes. En 2009, Accor m’a invité à me rendre à Paris afin d’y travailler comme Chief Operations Officer pour l’Europe du Nord. Pendant quatre ans, j’ai été l’administrateur de quelque 400 hôtels avant d’atterrir dans le Comité de Direction. Ma dernière fonction chez Accor était celle de COO de Pullman Europe pour repositionner l’enseigne. Mais voilà que s’est produit un événement qui survient dans de nombreuses entreprises cotées en bourse. De manière inattendue l’on a procédé à un transfert d’actions et un nouveau CEO est entré en scène. Il avait de nouvelles perspectives et voulait sa propre équipe. Par conséquent : l’ensemble du Comité de Direction a été licencié et en 2014, je me suis retrouvé chez moi, à 57 ans. Néanmoins, j’étais plutôt optimiste car la moitié du haut management de tous les groupes internationaux figuraient dans mon carnet d’adresses. Et j’étais prêt à partir pour l’étranger (mon épouse était d’accord). Je me rendais compte qu’invariablement, l’on optait pour un candidat plus jeune. Très frustrant, vu mon savoir-faire et ma flexibilité. Mais, à chaque fois, je jouais de malchance. Finalement, j’ai créé ma propre entreprise : Hospitology, un cabinet de consulting qui conseille dans le développement et l’investissement dans le secteur hôtelier. Et l’année passée, j’ai eu l’opportunité de reprendre cet hôtel et me voici le propriétaire de l’Hôtel Sablon”.

Propriétaire d’hôtel du jour au lendemain 

HB: Avez-vous jamais eu l’intention de devenir propriétaire d’hôtel?
CVS: “Non, en fait l’idée d’exploiter un hôtel ne m’a jamais effleuré. Cependant, un jour j’ai été contacté par un courtier que je compte parmi mes relations. Il m’a annoncé qu’il avait peut-être une opportunité pour moi. En avril 2017, je suis allé voir la propriété, à cette époque, le Grand Hôtel du Sablon. J’ai estimé instantanément le potentiel de l’hôtel: de grandes chambres, équipées de kitchenettes et d’un espace salon. En réalité, 40%, soit quelque 1000m² n’étaient guère mis à profit. Je me suis engagé auprès des propriétaires de reprendre l’hôtel, à condition de pouvoir restructurer l’intérieur de l’immeuble et d’avoir leur accord pour lancer un tout nouveau concept. En juin 2018, j’ai repris le bien et je l’ai géré jusqu’au 5 janvier de cette année. A ce moment-là, nous avons fermé l’hôtel afin d’y faire subir un make-over total en trois mois. Ainsi, nous avons augmenté le nombre de chambres de 26 à 44, sans pour autant ne rien sacrifier au confort. L’Hôtel Sablon, rénové de fond en comble a ouvert ses portes, début mai”. 

HB: Non seulement l’Hôtel Sablon a été doté de plusieurs chambres additionnelles, il a également fait l’objet d’une métamorphose complète en se transformant en un hôtel branché, selon une approche contemporaine. Quelle a été votre source d’inspiration pour arriver à ce concept hôtelier?
CVS: “Lorsque j’ai décidé de reprendre le Grand Hôtel du Sablon, je me suis posé la question de savoir quelle direction prendre. J’ai observé qu’à Bruges sont établis-hormis quelques grands acteurs- plus que tout, de petits hôtels et des B&B, équipés d’une dizaine de chambres, en moyenne. Au sein de ces hôtels à petite échelle, je cite cinq hôtels boutiques tels que le Pandhotel, l’hôtel De Orangerie, De Tuilerieën, l’Hôtel Van Cleef et le Die Swaene. Chacun d’eux sont de beaux hôtels, mais tous animés de la même atmosphère, tirant parti du caractère authentique et médiéval de la ville. L’intérieur et l’architecture de ces hôtels boutique le confirment: des pavements qui craquent, des lits à baldaquin, des meubles anciens, et ainsi de suite. Voilà pourquoi j’ai voulu repenser radicalement la formule en créant cet hôtel boutique high-end, comme il n’y en avait pas jusque tout récemment. Un hôtel, répondant au caractère authentique de Bruges et qui affiche toutefois des accents contemporains. Avec l’Hôtel Sablon, j’ai voulu aménager un hôtel boutique pour les nouvelles générations”. 

Un concept hôtelier branché

HB: Par son concept unique, votre hôtel est donc l’hôtel le plus branché de Bruges. Comment vous distinguez-vous effectivement des autres hôtels? 
CVS: “Dans notre hôtel, nous appliquons la notion de ‘living room’. Le lobby classique a disparu pour faire place à un ’séjour ’ doté d’un bar et d’un salon. C’est l’hôte ou l’hôtesse qui vous réceptionne et qui prend le temps de vous accueillir personnellement. Le check-in ne se fait d’ailleurs plus à la réception, mais au moyen d’un iPad”.
“ Nous avons également à notre service des employés polyvalents. Ils circulent en jeans et non en costume cravate. Comme nous souhaitons générer dans notre hôtel une dynamique jeune, celle-ci doit se refléter dans l’allure du personnel. Nos gens de maison sont appelés ‘hosts’, à qui incombent diverses tâches, telles le check-in, l’assistance des clients, le service des boissons etc”. “Nous disposons également d’un bar, accessible du reste aux non-résidents et assorti d’une carte de boissons et de champagnes. Il a été co-rédigé par le célèbre bar à cocktails The Pharmacy, à Knokke. Si nous ne disposons pas d’un restaurant, il est néanmoins possible de commander à toute heure des snacks soignés. Pour le buffet du petit-déjeuner, nous proposons des produits locaux et chaque jour, nous organisons un show cooking et un Healty Corner”.“Quant à la décoration et l’aménagement de l’intérieur et des chambres et des espaces publics, ils ont fait l’objet d’une étude approfondie. Voulant créer une atmosphère de feel good, nous avons privilégié les matériaux luxueux, les œuvres d’art et les teintes pastel aux accents dorés. Notre cour intérieure est pavée de gazon artificiel noir et équipée d’accessoires design italiens. Et enfin, dans nos chambres, les hôtes profitent de tout le confort moderne, airco et  wifi performant inclus, bien évidemment”. 

HB: Vous possédez une expérience de longue date dans le secteur de l’hôtellerie. Avez-vous pu la faire valoir concrètement lorsque vous avez conçu le projet de cet hôtel ? 
CVS: “Dans ma vie, la fréquentation de centaines d’hôtels m’a permis d’échafauder une expérience qui me vient à point, aujourd’hui et cela dans de nombreux domaines : le concept, la décoration, l’organisation, sans oublier la gestion du personnel”. 

HB: Comment avez-vous l’intention de positionner sur le marché l’Hôtel Sablon? Comment se présente la distribution? 
CVS: “Impossible de passer à côté des grands canaux de distribution tels que Booking.com, Trip Advisor et Expedia, mais nous nous efforcerons toutefois de réaliser 25% des réservations via notre site web. Par conséquent, nous travaillons en continu à activer notre site web et à mieux le positionner sur le marché. Par ailleurs, nous avons eu des pourparlers avec des organisations de marketing et avec des brandowners pour concrétiser une éventuelle franchise, or se brancher sur un réseau est une opération trop onéreuse pour un hôtel individuel. Pour l’instant, nous progressons par nos propres forces”. 

HB: L’Hôtel Sablon vient de pendre la crémaillère. Il sera sans doute malaisé de refléter d’ores et déjà la réussite du concept. Cependant, pouvez-vous définir vos objectifs à court terme? 
CVS: “Nous avons connu un très bon départ, même s’il y a toujours matière à amélioration. Nous venons d’apparaître dans le secteur et il y a certes des personnes qui ne nous ont pas encore trouvés, mais les réactions que nous avons recueillies, jusqu’à présent sont positives, à l’unanimité. Je suis convaincu que tel concept (un hôtel boutique branché et une approche très actuelle) a indubitablement un sérieux potentiel à Bruges. Actuellement, nous atteignons le niveau de satisfaction de 9,1 à 9,2 sur les principaux sites de réservation, notre objectif étant d’accéder à 9,5”. 

Les projets personnels

HB: Vous avez 60 ans. Quels sont vos projets personnels? Combien de temps allez-vous gérer cet hôtel? Avez-vous l’intention de remettre l’Hôtel Sablon ou de le vendre, à terme?
CVS: “A présent, je suis là quotidiennement, dans la perspective, néanmoins de diminuer progressivement ma participation aux activités. J’ai engagé un manager hôtelier, une dame de quarante et un ans (Sue Neervoort, ndlr) qui elle aussi opère dans l’hôtellerie depuis une vingtaine d’années. C’est elle qui poursuivra la gestion de l’hôtel. Moi, je continuerai à superviser pendant un petit temps la comptabilité et j’assurerai les relations avec nos partenaires, s’il y a lieu. Je ne suis pas disposé à garder cet hôtel pendant dix ans et de rester actif jusqu’à 70ans. Si les affaires marchent bien, je veillerai à remettre l’hôtel d’une manière judicieuse”. 

HB: “Avez-vous des recommandations à donner à vos collègues?
CVS: “Je suis partisan du dicton chinois: ’plutôt que de donner un poisson à une personne, apprenez-lui à pêcher’. En tant que manager, il ne faut pas constamment prendre les devants. Prenez le temps d’enseigner aux autres leur tâche et vous constaterez qu’en fin de compte, tout marche comme sur des roulettes. Un de mes principes est d’avoir confiance en les gens et de leur tendre des opportunités. C’est un style d’entreprenariat où, dans la plupart des cas, ce sont les compétences humaines qui prévalent. De cette manière, l’on réussit effectivement à préparer une autre génération à une nouvelle ère. Mon but a toujours été de me rendre remplaçable “(rires).

Auteur et photos : Peter Van Oyen

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