Duco Heijbroek, general manager Cardo Brussels, Autograph Collection: «Nous avons nos clients internationaux, mais il est important de nous ancrer localement»

La transformation réussie du paysage hôtelier de la plage Rogier à Bruxelles est difficile à décrire. La pièce finale, l’opus magnum pour ainsi dire, est le Cardo Brussels, Autograph Collection, qui représente la suite la plus digne de l’emblématique Sheraton. Cardo est officiellement ouvert depuis le 10 octobre mais il est opérationnel depuis juillet dernier. Il y a trois ans, Duco Heijbroek était nommé general manager de l’hôtel en devenir. Sa spécialité est la préparation et l’ouverture d’hôtels. Une histoire clichée d’essais et d’erreurs? Très jovial, Duco Heijbroek nous répond: «Chaque ouverture a son lot d’inquiétudes. Ce qui compte, c’est le résultat final et il est fantastique. Nous – et la ville – pouvons en être fiers!»

HB: Quelles sont les grandes différences d’état d’esprit d’un GM entre un hôtel indépendant local (Hotel August), une chaîne hôtelière régionale (Pillows) et un immense hôtel d’un acteur mondial (Marriott Bonvoy)?
Duco Heijbroek (DH):« Je suis toujours à la recherche de défis. Je n’avais jamais travaillé pour Marriott auparavant et c’est ce qui m’a motivé car c’est la plus grande chaîne hôtelière au monde, qui possède un solide système de revenus en sales & marketing. Pour moi, c’était nouveau et instructif. En outre, je connaissais le Sheraton depuis longtemps. Lorsque j’étais stagiaire, j’allais parfois y boire un verre. Le Sheraton est un véritable point de repère en Belgique.
Parmi les hôtels que j’ai ouverts, certains étaient des hôtels-boutiques, d’autres faisaient partie d’un groupe ou étaient des hôtels indépendants, comme August, qui appartenaient à des propriétaires privés, c’était donc varié. Je suis un homme d’hospitalité. Ma force réside dans le lancement de projets et leur finalisation, notamment en Belgique. Que vous ayez 532 chambres ou 50 est toujours agréable, mais pas plus facile ou difficile. »

Une piscine sur le toit
HB: Autograph Collection a pour slogan ‘exactly like nothing else’. Un sérieux changement par rapport au concept presque prévisible du Sheraton?
DH : « Au Sheraton, il y avait un public MICE. Nous nous intéressons à tous les segments : le MICE est le beurre sur notre tartine, et les loisirs sont tout aussi importants. Avec Autograph Collection, nous avons choisi un segment plus élevé dans le portefeuille de Marriott.
Autograph est une marque premium, Sapphire House Antwerp est le premier hôtel Autograph Collection
en Belgique et nous sommes le deuxième. En général, il s’agit hôtels-boutiques. Nous essayons d’offrir une ambiance typique afin que nos clients de loisirs et d’affaires se sentent chez eux.
Notre bar ne sert pas 532 personnes. Notre expérience, notre service et les installations que nous proposons reflètent le concept Autograph et Marriott. Nous avons une piscine sur le toit, au 31e étage, un spa contour et un centre de bien-être qui forment l’offre wellbeing. Nous proposons deux concepts de restauration. Nous avons délibérément choisi de créer près de 90 chambres familiales pour les familles avec enfants. Nous avons réduit le nombre de chambres, mais il y en a encore 532 dont 46 suites dédiées aux loisirs. Si vous venez un week-end, par exemple, vous pourrez profiter du bar agréable, diner à l’Akai ou au Gritto, vous faire masser le lendemain et piquer une tête à la piscine …
Plus besoin de sortir, et cela s’applique à tous les segments. »

HB: Dans quelle mesure les clients ont-ils déjà découvert tout cela au Cardo Brussels, Autograph Collection? Quel est, à terme, l’objectif réaliste à atteindre en taux d’occupation ?
DH :« Soyons honnêtes, cela prend du temps. Au cours des premiers mois, l’hôtel n’était pas totalement achevé. Néanmoins, nous avons par exemple eu un très bon mois de juillet avec Tomorrowland. Jusqu’à présent, les réactions sont incroyablement positives et nous recevons de très bonnes critiques. Nous n’avons vraiment pas à nous plaindre. De manière générale, la ville de Bruxelles se porte également bien et nous naviguons à vue.
L’année prochaine sera notre première année complète ; nous visons un taux d’occupation de 65 à 70 %. Avec 532 chambres, cela représente près de 350 chambres par jour. »

HB: A ce jour, quels sont les rapports entre, d’une part, le recrutement via la machine sales & marketing mondiale de Marriott et, d’autre part, le recrutement par les OTA du genre booking.com et autres ?
DH : « Nous faisons le choix de travailler avec Marriott autant que possible. C’est la force des programmes de qualité qui fait que les clients réservent via Marriott Bonvoy au lieu d’OTA, ce qui se traduit par des économies immédiates. Cependant, je pense que nous avons besoin de tout le monde … »

L’humour pour briser la glace
HB: Il y a des GM qui restent pratiquement toujours derrière leur bureau, mais la plupart passent la majeure partie de leur temps dans l’hôtel, auprès des employés et des clients. Dans quelle mesure cette attitude est-elle raisonnable dans un hôtel comptant énormément de personnel et 532 chambres, et qui ressemble à un village ?
DH : « Chaque personne est différente, mais la seule manière d’ouvrir un hôtel et de l’amener à un certain niveau est de rester informé de tout ce qui se passe dans l’établissement. On ne peut y parvenir qu’en le parcourant quotidiennement et en discutant avec les clients et le personnel. Je fais moi-même des rondes car c’est comme cela que l’on apprend vite à connaître son produit. Je ne suis pas au bureau en journée, j’y passe le soir. »

HB: Quelle est l’importance du sens de l’humour pour un GM d’une telle entreprise ? L’hôtel est décoré sur le thème de la Belgitude et le surréalisme en est un élément essentiel.
DH : « Je pense que l’humour est important car j’ai beaucoup de mal à accepter la rigidité qui caractérise parfois la prestation de services hôteliers. Nous ne voulons pas de cela et nous n’attendons pas cela de notre personnel. Nous les formons à cet égard. Les clients ne sont pas des amis mais il est normal d’avoir un contact plus personnalisé avec eux. L’humour doit de temps en temps être présent dans le travail que nous effectuons en coulisses car il permet de briser la glace. Parfois, je plaisante volontairement avec les clients devant les membres du personnel pour qu’ils comprennent que c’est possible. »

HB: Le choix du surréalisme de Magritte est-il délibéré?
DH : « Absolument! Nous essayons de le rappeler partout. Autograph Collection vient d’ouvrir un Cardo à Rome qui rayonne l’Italie, nous voulons apporter ici autant de Belgique que possible. Magritte est partout, même en façade. Nous travaillons avec des artistes belges. La Belgique est connue pour ses bières, nous proposons donc de la pression au bar. Si vous dinez chez nous, vous dégusterez une burrata fabriquée en Belgique et le café vous sera servi avec un spéculoos. Nous essayons de faire en sorte que l’expérience soit totalement belge. C’est ma vision en tant que Hollandais, résidant depuis des années ici, et j’ai beaucoup de plaisir. »

Choix de la collaboration
HB: Cardo fait référence à la voie d’axe nord-sud la plus importante d’une ville romaine. Dans le même ordre d’idées, la place Rogier peut être considérée comme le forum. Quels sont les rapports de concurrence dans le nouveau paysage hôtelier ?
DH : « Mon premier travail fut l’ouverture du NH City Center sur l’avenue Louise. À l’époque, les hôteliers n’auraient jamais pensé à collaborer, mais beaucoup de choses ont changé depuis. Je ne considère pas les autres hôtels comme des concurrents. Au contraire, je veux travailler avec eux car cela ne fait que nous renforcer. Avec le Thon, l’Hilton et Indigo, nous proposons plus de 3.000 chambres et il faut travailler ensemble, notamment lors de congrès.
La gare du Nord reste un endroit délicat mais la situation s’améliore et l’ouverture du Cardo, Autograph Collection et d’autres hôtels montre que le quartier est en train de se développer.
Dans la pratique, nous nous voyons souvent, nous travaillons avec les mêmes sociétés de sécurité et les GM se rendent visite mutuellement. Si nous recevons une demande que nous ne pouvons honorer, nous voulons retenir le client et le présenter aux collègues. »

B: Vos restaurants sont-ils compétitifs ? Dans quelle mesure le Cardo, Autograph Collection est-il accessible aux clients non résidents, en ce qui concerne les restaurants et le bar, mais également les centres de fitness, de bien-être et la piscine ?
DH : « Les restaurants ne sont pas compétitifs. Les collègues sont très sympathiques. Mes expériences dans le secteur de la restauration en Asie et ailleurs à l’étranger sont importantes dans l’histoire de Cardo et pour ma philosophie. Il ne doit y avoir aucune barrière pour entrer dans un hôtel !
Toute personne qui se promène en rue peut venir prendre un verre au bar. Nous activons cela de plusieurs manières : nous proposons un plat du jour – un déjeuner est disponible à partir de €19,50-, nous organisons des happy hours au bar et un DJ vient jouer tous les jeudis. Nous avons également nos Arts et nous allons organiser chaque mois des événements (principalement locaux) dans les années à venir. Bien entendu, nous avons nos clients internationaux, mais il est important de nous ancrer localement. Il n’est pas nécessaire de passer la nuit ici. Pourquoi ne pas venir déguster un délicieux cocktail au Doodles Bar, puis opter pour une expérience Akai et la cuisine japonaise ou une cuisine belge au Gritto ? Tout est possible. »

HB: Pour les hôtels urbains, en particulier les grands hôtels, le stationnement peut être un problème.
DH : « L’avantage de cet hôtel est que nous avons un parking sous la place Rogier et que nous pouvons utiliser le parking Manhattan. Il y a 600 places à partager avec l’hôtel Thon et le Manhattan Center, mais le parking est souvent pratiquement vide le soir.
Depuis le parking, nos clients accèdent à leur chambre d’hôtel. Ils entrent dans le parking via le système de badges et peuvent directement se rendre à la réception pour s’enregistrer. Ils peuvent organiser leur sortie, sans ticket. Tout le monde peut donc garer sa voiture. »

Un Néerlando-belge expert en hospitalité
Duco Heijbroek (50) se qualifie de ‘Hollandais’. Né à Voorburg (près de Den Haag), il a passé son enfance en Afrique avec ses parents. Il est ensuite rentré aux Pays-Bas pour suivre l’école hôtelière. Toute sa carrière s’est déroulée dans le secteur de l’hospitalité. Duco Heijbroek a réalisé de nombreux projets à l’étranger avant de s’installer en Belgique. Après une interruption pour un projet au Sénégal, il a retrouvé du travail en Belgique. Duco Heijbroek: « En Belgique, j’ai d’abord travaillé pour NH Hoteles. J’étais responsable de l’ouverture du NH City Center et d’autres projets. J’ai assuré ensuite la transition et l’ouverture du Reylof Pillows à Gand. Je suis devenu directeur régional de Pillows et responsable d’un hôtel en France et de quatre projets en Belgique.
Dans une phase ultérieure, j’ai été impliqué dans l’ouverture de l’hôtel August à Anvers. Enfin, j’ai été sollicité par Cardo, Autograph Collection, ici à Bruxelles. Un détail amusant est que j’avais effectué un stage en 1994 à Bruxelles après l’école hôtelière. J’avais travaillé à l’hôtel The President qui appartenait au même propriétaire. La boucle est donc bouclée … » Duco Heijbroek et sa famille vivent à Gand depuis une quinzaine d’années. « Je me sens chez moi ici, tant sur le plan professionnel que privé. Chaque individu est différent, mais on se sent très bien ici et en sécurité. Mon épouse travaille en Belgique et nos deux enfants étudient à Gand. »

par Daniel Steevens I photos: Cardo Brussels, Autograph Collection