La lente mutation de l’hôtellerie côtière

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Le tourisme est un secteur important à la Côte belge. En 2022, il a généré plus de 3,4 milliards d’euros (directs et indirects) et représente plus de 36.000 ETP, d’après le ‘Trendrapport Kust 2022’ de Westtoer. L’offre hôtelière avec ses 6300 chambres et 14.596 lits ne représente que 2,25% de l’offre en hébergement. La capacité d’hébergement totale à la Côte s’élevait à 648.382 lits en 2022. La part du lion (93% soit 605.086 lits) revient à un usage mixte (résidences de vacances ou campings de longue durée également proposés en location). Même si la part hôtelière est limitée, les choses évoluent dans les coulisses.

Texte Alexander Dupont

En lisant l’article “Structuur en problematiek van het hotelwezen aan de kust” de P. Boerjan et Prof. N. Vanhove (WES) paru en 1977, nous apprenons que la côte comptait à l’époque 684 hôtels et une offre de 14.306 chambres et 32.474 lits.
Le dernier ‘Trendrapport Kust’ de Westtoer mentionne pour 2022 une offre hôtelière de 182 hôtels, 6.300 chambres et 14.596 lits. Une diminution drastique par rapport à il y a 40 ans.
Au fil des ans, nous avons assisté à un revirement et à une quasi-stagnation du nombre d’hôtels au cours de la dernière décennie (avec une brève diminution pendant l’épidémie de coronavirus). En termes de nombre de chambres, on observe une augmentation depuis 2012 et une croissance totale de 693 chambres (5.645 chambres en 2012 et 6.300 chambres en 2022).

On transforme actuellement le Memlinc Hotel à Knokke en 16 appartements de luxe et un penthouse pour une valeur de vente de 150 millions d’euros. Au Skybar de l’hôtel, vous pourrez toujours déguster des boissons saines, des cocktails frais et des plats savoureux. (Photo © Marc Wallican)

Moins d’hôtels mais plus de chambres en moyenne
En 1977, l’offre hôtelière était dominée par des petits hôtels (plus familiaux). Environ 60% des hôtels comptaient moins de 20 chambres. En 1977, il y avait en moyenne 22,5 chambres par hôtel. En 2002, ce chiffre est passé à 29,1 chambres et en 2022, nous avons pu constater que le nombre moyen de chambres par hôtel avait augmenté de près de 50% pour atteindre une moyenne de 34,6 chambres par hôtel. Cela signifie qu’une nouvelle offre ajoute souvent plus de capacité que les chambres qui disparaissent en raison de la fermeture de petits hôtels généralement. La tendance s’amorce depuis le début de ce siècle et est motivée par la recherche de rentabilité et une transition vers un modèle d’hôtel plus orienté business. Depuis 1977, une diminution de 73% du nombre d’hôtels et de 56% de chambres est enregistrée.
Dans les années à venir, on s’attend à ce que d’autres (petits) hôtels disparaissent. Cette tendance à l’agrandissement d’échelle est observée dans d’autres régions, villes et ailleurs en Europe. Les hôtels typiquement ‘familiaux’ dont les exploitants sont propriétaires des murs peuvent réaliser une plus-value importante par la vente et/ou une reconversion en appartements. L’adaptation des hôtels plus anciens et de petite taille aux normes actuelles est souvent un processus difficile qui nécessite des investissements importants qu’il est plus difficile de rentabiliser. Dernièrement, nous avons appris la fermeture du Memlinc Hotel à Knokke que l’on transforme actuellement en 16 appartements de luxe et un penthouse pour une valeur de vente de 150 millions d’euros (un nouveau record immobilier).
Dans le même temps, nous assistons à l’ouverture de nouveaux hôtels (en 2023 l’Enso Hotel Knokke, Ibis Styles Bredene Europa, notamment) tandis que d’autres sont vendus et repositionnés (La Réserve Knokke). Le spectaculaire Silt Hotel du groupe C-Hotels a ouvert ses portes au nouveau complexe du Casino à Middelkerke, d’autres hôtels sont dans le pipe et diverses parties ont des projets de nouveaux hôtels. L’hôtellerie côtière est bien vivante, elle connaît une lente évolution et se métamorphose pour s’adapter aux attentes de la demande.

Xavier Vercaemst – CEO Flow Hospitality Group
Silt vient d’ouvrir ses portes et c’est le dixième hôtel du groupe: voyez-vous une nouvelle croissance ou une évolution de l’offre hôtelière à la Côte?
Nous remarquons un grand changement dans l’offre hôtelière de la Côte ces dernières années. Les hôtels qui osent investir et implémenter des concepts ont souvent plus de succès que les hôtels traditionnels. Les clients des hôtels veulent de plus en plus vivre une véritable expérience de séjour et ne pas se contenter de dormir. Ce faisant, nous constatons également une baisse de la valeur ajoutée des étoiles et, par extension, des labels de qualité traditionnels. Les clients ne recherchent plus un nombre X d’étoiles ou un Mercure, un Novotel,…ils filtrent en fonction de la satisfaction et du rapport qualité/prix. Le meilleur exemple est Upstairs, où nous ne publions plus nos étoiles depuis l’ouverture. Nous sommes convaincus que la Côte, en tant que destination, a encore une grand potentiel de croissance. De plus en plus de clients font un séjour d’une ou deux nuitées au lieu de longues vacances. Nous allons évidemment nous concentrer sur ce point et élargir notre offre là où nous le pouvons.

L’hôtellerie côtière connaît une lente évolution
Deux groupes d’hôteliers sont particulièrement actifs aujourd’hui. BCH Group – Belgian Coast Hotels – et Flow Hospitality Group, société-
mère de C-Hotels, ont construit une base et une offre solides au cours des dernières décennies.
Alors que Belgian Coast Hotels – BCH se consacre principalement à la construction de nouveaux hôtels, Flow Hospitality Group – FHG reprend, lui, des hôtels existants pour les rénover et les doter si possible de chambres supplémentaires, le repositionnement allant généralement de pair avec un nouveau concept. La construction de nouveaux hôtels est aussi au menu. FHG a récemment ouvert le Silt Middelkerke, son dixième hôtel à la Côte, et en 2025, le SKY Hotel Oostende proposera 116 chambres supplémentaires.
BCH a ouvert son dixième hôtel à Bredene en octobre 2023. Avec l’Ibis Styles Bredene, BCH poursuit sa stratégie de partenariat de franchise avec Accor Hotels et privilégie les marques internationales. Les deux groupes exploitent ensemble plus de 1500 chambres de La Panne à Knokke, et représentent près de 25% de l’offre en chambres sur la Côte.
Les opérateurs individuels sont également engagés dans le renouvellement et l’extension, voyez ‘La Réserve Resort’ à Knokke, reprise par Messieurs Coucke & Versluys. Ces évolutions du marché améliorent la qualité et constituent la base d’une croissance future de l’hôtellerie à la Côte.

Le spectaculaire Silt Hotel du groupe C-Hotels a ouvert ses portes au nouveau complexe du Casino à Middelkerke. (Photos © Flits & Flash)

Le marché intérieur est prédominant
Qui sont les clients des hôtels de la Côte belge ? 81,6% des nuitées dans les établissements commerciaux sont réservées par des clients belges. La part des clients étrangers est limitée avec 5,9% d’Allemands, 4,5% de Néerlandais et 3,4% de Français.
De l’autre côté de la frontière aux Pays-Bas, il y a la Zélande et la Noordzeekust, également populaire comme destination de vacances. L’’Hotelmarktonderzoek Zeeland 2020’ nous apprend que la Noordzeekust en Zélande compte une offre de 76 hôtels et 2.074 chambres. Etonnamment, les clients allemands dominent avec une part de marché de 60%, suivis du marché intérieur avec seulement 25% et les Belges avec 12%.

Les opérateurs individuels sont également engagés dans le renouvellement et l’extension, voyez ‘La Réserve Resort’ à Knokke, reprise par Messieurs Coucke & Versluys. (Photo© La Réserve)

Rentabilité
D’après la même étude de marché, les hôtels à la Noordzeekust affichent un taux d’occupation annuel de 65%. Si on compare ces chiffres à ceux des hôtels de la Côte belge (Trendrapport Kust 2022 – Westtoer), nous obtenons des résultats nettement inférieurs avec un taux d’occupation brut de 51% en 2019 et de 48% en 2022. Seuls 20% des hôtels participants de la Côte belge déclarent avoir atteint un taux d’occupation de 60% ou plus. Il y a donc un problème important de rentabilité pour la plupart des hôtels de la Côte. La forte saisonnalité et le faible nombre de nuitées dans le segment des affaires ont un impact sur les chiffres d’occupation. Il faut de nouveaux groupes cibles, plus de recrutement et de promotion à l’international, davantage d’infrastructures MICE et plus d’événements tout au long de l’année
(musées, festivals, concerts, événements sportifs, etc.).

Ellen Bruynoghe – manager régionale Côte chez Westtoer
En Zélande, 60% des nuitées sont réservées par des clients allemands, alors qu’ils ne représentent qu’une quantité infime à la Côte belge. Percevez-vous une croissance de ce marché ?
Les visiteurs allemands constituent le principal public international de la Côte belge et cette part ne cesse de croître. Du fait de la proximité de l’Allemagne, ils peuvent se rendre facilement sur la Côte belge et profiter d’un large éventail d’activités dans un lieu compact. Les randonnées pédestres et cyclistes dans la nature, les expériences culinaires, les sports nautiques et de vent, les attractions culturelles, le patrimoine et le shopping font partie des nombreuses opportunités offertes par la Côte belge. Nous nous efforçons d’accueillir chaque client avec hospitalité et de les servir dans leur langue maternelle si possible, afin qu’ils se sentent rapidement chez eux sur la Côte belge. Enfin, d’après les chiffres provisoires du SPF Economie de 2023, les Allemands représentent 6,7% du nombre total de touristes dans les hébergements commerciaux de la Côte. Ils constituent le marché étranger le plus important. Par rapport à 2022, il s’agit d’une augmentation de 10,4% dans le nombre d’arrivées de touristes allemands logeant sur place (de 132.085 à 145.882 arrivées).

Pour une hôtellerie plus saine à la Côte, le taux d’occupation doit se rapprocher du taux des hôtels de la côte zélandaise. La transformation et l’évolution de l’offre ont plus que commencé et vont continuer d’évoluer dans les années à venir.