Vincent Vermeulen (School for Butlers & Hospitality): “Il faut embaucher du personnel horeca sur base de l’attitude, pas des compétences”

Depuis le lancement des formations de 8 semaines, la School for Butlers & Hospitality à Hertsberge (Oostkamp) a formé entre 250 à 300 majordomes hautement qualifiés. Si les majordomes restent involontairement associés au surnom de James, 40% d’entre eux sont pourtant des femmes. Cette formation est la pièce maîtresse de cette école pratiquement unique puisqu’il n’existe qu’un seul autre endroit sur terre où elle est dispensée en résidentiel. Une année scolaire comprend trois sessions, plus une autre en été. Le reste du temps, l’équipe parcourt le monde et organise des formations, principalement dans les hôtels et les resorts. Un entretien, entre deux voyages, avec son fondateur Vincent Vermeulen.

Hotel Business (HB) : Les candidats-majordomes doivent-ils passer un test d’entrée ?
Vincent Vermeulen(VV): « Tous les candidats doivent passer un entretien d’admission, une présélection. Certains viennent pour un jour, parfois de l’étranger. S’ils sont par exemple aux Etats-Unis ou au Canada, nous organisons alors un appel vidéo. Les candidats qui passent la procédure de sélection peuvent s’inscrire à la formation.
Nous n’avons que 8 places, 8 chambres, 8 semaines. Certains candidats ont déjà suivi une formation au préalable. Pas de problème si ce n’est pas le cas car le service de majordome dans une maison est totalement différent d’un service dans un restaurant où il faut gérer 60 à 70 clients pendant quelques heures. Dans une maison, il n’y a que 2 ou 3 personnes et vous êtes en standby 24/24. »

HB: Réussissent-ils tous?
(VV) « Nous ne croyons pas tellement aux mauvais élèves, seulement aux mauvais instructeurs (rires). Sérieusement, si nous voyons que ça ne marche pas, on se quitte plus tôt. Il ne faut pas agiter de carotte. Nous les remboursons. Cela ne s’est produit que quelques fois au cours de ces onze années. »

HB: Vers quels secteurs les majordomes se tournent-ils ensuite ? Vers les hôtels?
(VV) « Environ 95% vont dans le privé, c’est-à-dire dans des familles du monde entier. Le pourcentage restant travaille généralement dans des ambassades, sur des bateaux de croisière ou dans des restaurants privés de banques. Jusqu’à présent, seule une poignée d’entre eux travaillent dans des hôtels. Le salaire, l’intensité et la relation client sont totalement différents. Nous formons aussi des personnes sur place qui travaillent déjà dans un hôtel. Parmi les projets fantastiques de cette année, il y a notamment le Carlton à Cannes, le Bristol à Paris et plusieurs hôtels Raffles. »

HB: Quel est le coût d’une formation de majordome?
(VV) « C’est un investissement, mais la formation demande du temps. Il faut compter 56 jours ; imaginez passer autant de temps dans un hôtel. Chaque candidat a sa chambre, tous les repas, participe à un voyage de deux jours à Londres et d’un jour en Champagne. Avec toutes les leçons et le matériel, cela revient à environ 230 €/jour. Si l’on compte 56 jours, on arrive à un peu moins de 14.000 €. Nous somme compétitifs sur le marché. Le retour sur investissement est énorme : la plupart des candidats trouve un emploi et amortissent rapidement leur investissement.
Mais le plus important, c’est qu’ils gardent cette expérience durant toute leur vie. Le pin’s que nous leur remettons au bout des 8 semaines est exclusif et si la formation figure sur leur cv, des portes sérieuses s’ouvrent. »

Peu de réactivation d’anciens clients
HB: Votre dernier ouvrage “Guestology 2.0” est un bestseller dans le secteur de l’hospitalité. Quel est le fil conducteur?
(VV)« Pour nos formations en entreprise, nous avons créé un système en six étapes pour implémenter l’hospitalité dans une organisation. Pour un hôtel, les quatre premières étapes consistent à créer un ADN autour de l’hospitalité : voilà comment nous sommes structurés, tel est notre langage, ce que nous faisons et ne faisons pas, etc. A l’étape 5, nous formons l’équipe et à l’étape 6, nous veillons à ce que la formation ne soit pas un coup dans l’eau. Nous avons déployé ce système dans des hôpitaux, des banques et nombre d’entreprises. En septembre, nous lancerons notre logiciel basé sur le parcours client numérique. »

HB: Sur le site web de Guestology 2.0, vous avancez une augmentation des ventes d’au moins 20%. Êtes-vous en mesure de le prouver?
(VV) « Non, absolument pas, c’est aux organisations de le faire, pas à moi (rires). Il est clairement indiqué que si elles appliquent le système, j’ai 100% de certitude. Pourquoi oser avancer une telle garantie ?
Il y a au moins 10 éléments que certaines organisations négligent. Voyez la réactivation d’anciens clients. Si vous saviez à quel point c’est rare. Les clients connaissent pourtant déjà la qualité de l’établissement. De nombreux hôtels ne contactent plus les clients après leur séjour et pensent qu’ils reviendront automatiquement.
Un autre exemple : de nombreux hôteliers ne savent pas comment communiquer avec les clients via le site web. L’objectif d’un site web est d’inciter les gens à vous contacter. C’est incroyable de voir combien de sites web n’ont pas de bouton call to action.
Je peux vous citer d’autres exemples frappants. La vente n’est pas toujours la chose la plus importante, c’est le profit ! C’est de l’énergie inutile que de diffuser des publicités sur internet pour convaincre des clients qu’il ne faut plus convaincre. Non, il faut les choyer, veiller à ce qu’ils dépensent plus et qu’ils reviennent plus souvent. »

HB: Que peuvent faire concrètement les hôteliers intéressés?
(VV) « Il y a deux possibilités : soit suivre un Guestology Bootcamp – des journées autonomes auxquelles ils peuvent s’inscrire – ou un trajet dans le cadre duquel nous nous rendons à l’hôtel et nous les guidons. Cela peut aller d’une formation d’un jour par une équipe à un processus de 3 à 4 mois au cours duquel nous passons tout en revue.
Le secteur hôtelier est confronté à d’énormes défis. Je pense que le problème de la pénurie de personnel est résolu depuis longtemps. Aujourd’hui, il s’agit essentiellement de garder le personnel. Les hôtels doivent s’intéresser davantage à l’expérience client interne. Les employés doivent être choyés car ce sont eux qui prennent soin des clients.
Dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, le personnel est généralement recruté sur base des compétences. C’est une erreur, il faut les embaucher sur base de leur attitude ! Les compétences s’apprennent, l’attitude est de mise. Je peux vous donner des dizaines d’exemples de majordomes qui n’avaient jamais tenu une assiette entre les mains mais qui étaient passionnés par leur travail et bien meilleurs qu’une personne travaillant dans l’horeca depuis dix ans. »

Discipline! Discipline!
HB: Dans quelle direction voyez-vous notre industrie hôtelière évoluer?
(VV) « Les hôtels vont devoir se concentrer sur deux points. Premièrement: ne pas sous-estimer l’importance de la première impression. Quand vous avez voyagé pendant des heures, que vous entrez dans un hôtel et que l’on tarde à vous accueillir : c’est désastreux.
Deuxièmement : le souci du détail. Certains hôteliers sont limites sur ce point. Une mauvaise expérience client est la première cause de perte de profit et de chiffre d’affaires. Si vous ouvrez un nouvel établissement, tout le monde sera là, mais s’il ne plaît pas, les clients ne reviendront pas. »

HB: Pouvez-vous nous donner un exemple d’un tel détail?
(VV) « Il y en a temps ! Vous entrez dans un hôtel et l’on vous offre un verre de bienvenue, mais la personne derrière vous n’en reçoit pas. L’apparence : je trouve inouï qu’un employé se tienne devant moi avec des chaussures pas propres. C’est ne pas prendre son travail au sérieux. Discipline, discipline! Atteindre chaque jour le même niveau.”

Vincent Vermeulen: Un homme humble dans sa mission
Vincent Vermeulen a manifestement le métier de majordome dans les gènes. Son arrière-grand-père était majordome au Château de Tilleghem (à St.-Michiels-Brugge) en 1884. Il est donc issu d’une lignée de personnes actives dans l’hospitalité. Lui-même a suivi une formation à la célèbre école hôtelière de Coxyde. Plus tard, avec son frère, il reprend l’entreprise des parents qu’il développe pour en faire un grand groupe spécialisé dans le catering, avant de la transmettre à un grand traiteur.
En 2001, Vincent suit une formation de majordome puis exerce le métier. Après une courte période d’introduction, la School for Butlers & Hospitality est lancée en 2013.
L’école connait un franc succès, mais le managing director qu’est Vincent Vermeulen reste humble dans sa mission: « J’en suis le fondateur avec mon épouse, et le directeur. Je suis le visage de l’école et mon épouse est la force motrice dans les coulisses. Nous formons essentiellement des majordomes que nous plaçons. Nous organisons également des événements : des personnes peuvent venir diner lorsque les majordomes sont là. Nous formons aussi et surtout des entreprises dans le monde entier. »

Texte Daniel Steevens I photos: School for Butlers & Hospitality